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Gouttes de vie, suite d'écrits
26 février 2016

Snow

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J'ai un rapport compliqué avec la neige ; c'est le moins qu'on puisse dire. Aujourd'hui, j'ai envie d'en exprimer la complexité.

J'aime la neige. Lorsqu'il neige je peux sortir faire un bonhomme dans le jardin. Je m'applique, je lui mets une carotte sur le nez, j'utilise des cailloux et je rajoute une écharpe. Je mets mes bottes de neige et je sens le froid sur mon visage. Lorsque je rentre, une vague de chaleur m'envahit jusqu'à me faire mal. Elle me rassure. Je suis mouillée, trempée, fatiguée. Je vais me reposer.

Je hais la neige. Lorsqu'elle tombe durant la nuit, insidieuse, je dois quand même me lever pour aller prendre mon bus. Il fait nuit, il fait froid. J'ai peur de déraper et de tomber à chaque pas. Je ne porte pas des vêtements adaptés ; je n'ai pas envie de le faire. J'ai juste envie que la neige disparaisse et ne revienne jamais. Je la trouve laide. Elle n'apporte que des désagréments. Je ne comprends pas pourquoi les gens l'aiment tant.

J'adore la neige. J'adore la fraîcheur de l'hiver, aussi douce que mordante. La nuit, je vois mieux les étoiles qui me bercent et me protègent, la lune qui baigne le paysage d'une lueur irréelle. Cela me permet de croire que le monde n'est pas si dur. Qu'il y a de la beauté quelque part malgré mes petits soucis, ma petite vie. J'aime le contact de la neige sous mes pieds. J'aime y plonger à chaque pas, marquer mon avancée, sentir le craquement léger de la fine couche de glace qui se rompt pour le contact plus doux, presque cotoneux de la neige, comme un envol éphémère avant que mes pieds ne touchent le sol.

J'ai peur de la neige. Quand il neige le problème du ski n'est jamais loin. On s'attend à ce que j'en fasse, à ce que j'aime ça. Je ne peux pas aimer ça. Pas quand on me force. Comme lors de ce cours de sport supposé être de l'endurance, durant lequel j'ai passé plus de temps à enfiler qu'à faire autre chose. Cela n'a pas empêché les chutes, la honte du regard des autres. Mais c'était moins pire que la sensation d'abandon que j'ai ressentie ce jour-là, loin de chez moi, alors que je pensais mes proches près de moi et qu'ils ne l'étaient pas. J'étais trop petite alors. Je n'ai pas compris. J'ai juste su que j'étais sur mes skis et que j'étais seule. Les personnes qui m'entouraient étaient inconnues. J'étais petite, perdue. Je ne veux plus cela. Je ne peux pas faire du ski. J'en ai peur.

J'attends la neige. Quand il y en a, mes grands-parents m'emmènent à la montagne faire de la luge. J'adore la luge. J'adore me laisser glisser le long des pentes. J'aime parcourir les champs couverts de centimètres de neige, sentir ma jambe s'enfoncer jusqu'au genoux et au-dessus. Je ne suis pas forte en bataille de boules de neige mais j'aime en faire. Et quand je tombe et que je me roule dedans, la sensation est toujours agréable. Nous y allons quand il fait beau. Je peux mettre mes lunettes de soleil. Et puis, à la fin, nous retournons à la voiture pour goûter. J'aime ces moments. Quand on rentre, souvent, je somnole sur la route. Je me sens épuisée, d'une fatigue pleine et entière, satisfaisante.

Je honnis la neige. Elle salit la ville, souligne ses immondices et renforce sa froideur. Les gens sont encore plus stupides, plus antipathiques. Tout est perturbé, laid. Le sel, la boue, la pollution imprègnent les vêtements, s'incrustent dans la peau, abîment les cheveux. Il ne fait même pas vraiment froid. A peine si on peut mettre un manteau chaud. La neige n'est qu'une légère couche de sucre saupoudrée sur la ville, et pourtant elle m'ennuie plus qu'aucune autre neige ne l'a jamais fait.

J'aime voir fondre la neige. Lorsqu'elle disparaît peu à peu, le soulagement m'envahit. C'est comme si le monde se dissipait pour mieux renaître. Des larmes de pluie s'écoulent le long des murs. Parfois, je sens que l'air change. Il y a une autre odeur, une odeur que j'aime plus que tout ; celle du printemps. J'aperçois des bourgeons. Je sens l'odeur de la terre. Les jours se rallongent. Je ne regrette rien, je suis juste heureuse que tout soit fini. Jusqu'à l'année prochaine.

J'exècre la neige. Je me sens toujours maladroite quand il y en a. La neige dissimule la glace ; elle m'agresse. Je prends mille précautions et quand je m'oublie... La chute inévitable, toujours la chute. Cette fois-ci, à la sortie des cours, au début du collège, dans une autre ville... Ma mère m'attend dans la voiture toute proche. Mais le verglas... Je tombe, j'ai mal. J'aurai mal pendant des années encore, au coccyx. La douleur disparaîtra. Pas le souvenir.

J'admire la neige. Chaque fois que je la vois, je l'admire. Que ce soit de ma chambre, de mon salon, de ma voiture, de mon balcon... A chaque fois qu'elle est là, je ne peux m'empêcher de m'extasier devant les paysages fantastiques qu'elle révèle. Les montagnes aux bleus mêlés d'immaculé. Les mille éclats flamboyants du soleil teintant les cristaux sous l'azur. Les levers de soleil écarlates, les couchers orangés. L'air si frais qui donne à tout cet aspect de pureté. La neige m'inspire tant de choses ! Je crois que je ne l'aimerai jamais. Comment le pourrais-je ? Mais je ne pourrai jamais la haïr non plus. Pas quand elle m'offre tant de beautés.

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